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« Il ne faut pas avoir peur de soi ! »
En ce mois de juin 2022, nous sommes partis à la rencontre du jeune paimpolais Maxime L'Anthoën. Après son bac en option cinéma et théâtre au lycée Savina à Tréguier, direction le Finistère, à Brest où il entre en classe préparatoire littéraire hypokhâgne et khâgne. Déterminé à faire du cinéma, Maxime s’envole pour l'Île de France, où il intègre un master en Lettres Modernes Appliquées à la Sorbonne. Là-bas il fait un premier stage chez Sedna Films, une petite société de production d’auteurs. Petit à petit, il devient assistant mise en scène ou premier assistant sur des courts, puis des longs métrages.
Lauréat des Courts d’Armor en octobre 2021, Maxime L'Anthoën nous a raconté les débuts de son projet de court métrage Cache cache.
Cache-cache, ça raconte quoi ?
L’histoire de Sacha, une petite fille queer de 9 ans, invitée à l’anniversaire d’une fille de sa classe, Rose. Or elle a peur de s’y rendre et d'être humiliée par cette dernière et ses amies. Heureusement, elle n’est pas seule puisque son meilleur ami Henri, un petit garçon efféminé est déjà à l’anniversaire. Pendant la fête, Rose et Lauryne emmènent Sacha, Henri et les autres invitées, dans une maison abandonnée un peu plus loin pour faire une partie de cache-cache qui risque de mal tourner. Le jeu va donner lieu à des phénomènes étranges à la lisière du fantastique.
Tu as participé à la résidence des Courts d’Armor, l’année dernière en 2021, quel était ton projet d’écriture ?
Je voulais écrire un film fantastique parce que j’adore les films de genre. Je voulais faire ce film avec et pour des enfants ou ados queer. En tant que personne homosexuelle plutôt queer, j’ai toujours trouvé qu’il manquait ce genre de représentations. En bref, je voulais faire le film que je n’avais jamais vu quand j’étais petit, un film d'aventure en bas de chez moi, en Bretagne, dans le Trégor. Un film où l’on puisse courir, avoir peur ; tout ce qui me faisait vibrer quand j’étais enfant avec des personnages que je ne voyais jamais à l’écran. Je crois qu’à l’époque, avoir des modèles aurait vraiment pu m’aider à me sentir mieux, à trouver mon identité et à m’assumer. Quand j’étais petit, les films avec des homos, c'était toujours des personnages tristes ou liés à la mort, au sida... De ce fait, j’ai eu envie de faire ce film et j’ai tenté la résidence.
Quelles étaient les questions que tu te posais avant d’intégrer la résidence ?
Je pensais que je n’allais jamais être pris parce que j’avais envoyé un brouillon. J’avais un peu peur d’assumer le côté fantastique, le projet, le coté queer, etc. C'étaient vraiment les débuts et j’avais peur que le projet ne soit pas accepté. J’avais hésité à postuler l’année d’après mais Fred (directeur artistique de Trégor Cinéma) m’avait convaincu de sauter le pas. Et le projet a été pris. C’est pendant la résidence que je me suis mis à assumer le fantastique et le coté queer et même le film tout court !
Pourquoi avoir voulu participer à la résidence des Courts d’Armor ?
C’est une copine à moi qui m’a envoyé une capture d’écran d’un journal en me disant : « Regarde les résidences Les Courts d’Armor, c’est pour des gens qui n’ont pas de producteurs. » Je me suis dit que c’était fou, c’était fait pour moi. Une résidence qui se déroule dans le Trégor alors même que je voulais faire le film dans le Trégor… Et vraiment le Trégor, pas le Finistère sud ! Je me suis dit qu’il fallait absolument tenter, j’avais besoin de réécrire tout en étant entouré de gens qui m’aideraient à parler du projet.
Quelles étaient tes attentes avant d’intégrer la résidence ?
(rires) Je crois que je me disais que j’allais sortir avec une version prête en deux semaines. J’ai vite compris que c’était le tout début d’un parcours loin d'être terminé ! Face à l’ampleur du travail, j’ai compris que la résidence allait vraiment m’aider à approfondir, à me redonner des bases d’écriture et une méthodologie de travail plus poussée et précise. Je me suis rendu compte que j’avais des attentes qui étaient un peu loin du compte et au final tant mieux même.
As-tu réussi à « satisfaire » ces attentes ?
Oui, complètement. Lorsque je suis sorti, je n’avais pas complètement fini, j’ai donc fait relire des versions à Fred qui m’accompagnait sur le projet. Ça a été un moment hyper intense sur les réflexions. Réinterroger le film m’a permis d’avoir un discours beaucoup plus fort, plus clair et maîtrisé. Quand je revenais le lendemain matin, j’étais sûr de moi, de ce que je voulais et sûr de ce que je ne voulais pas . Ça m’a permis de faire le tri.
Comment s’est déroulée cette résidence pour toi ?
Pour moi ça s’est vraiment très bien passé ! Ça a été vraiment une gradation ; au début j’étais plutôt à la cool et à la fin vraiment je suis sorti de là lessivé, épuisé d’avoir tout repensé le projet et d'être vraiment habité par le truc. Ça m’a vraiment fait du bien, ça m’a permis de me placer dans une position d’auteur et ça m’a apporté une sorte de considération. Je me disais que j’allais peut-être enfin faire un film parce que j’allais écrire quelque chose de potable et que ça allait enfin marcher. C’est tout ce chemin avec des pertes de confiance parfois, des moments de stress ... Enfin, c’était up&down tous les jours ; j’arrivais le matin, j’étais méga en confiance et le soir ma confiance redescendait un peu (rires). Mais j’étais toujours dans une dynamique où, de toute façon, je savais qu'à la fin il allait en sortir que du bien. Tout ça dans un cadre qui était vraiment super ; un logement qui était top, j’étais avec une meuf que j’ai adoré, l’endroit où on mangeait était très agréable, en plus on était en Bretagne dans un cadre super et les intervenants qu’on a eu étaient géniaux. Vraiment, j’ai trouvé ça génial !
Quels professionnels as-tu rencontré pendant cette résidence ?
Alors c’est drôle parce qu’au début, je voulais rencontrer (rires) des gens qui s’occupent de la direction d’acteurs, autour de la création des personnages, surtout pour les adultes, parce qu’il y a un peu d’adultes dans mon scénario même si là ils ont tendance à disparaître. Mais Fred m’a demandé si j’en étais sûr et si je ne préférais pas rencontrer un coach enfant. J’avais déjà un peu tourné avec des enfants donc je voyais un peu comment ça se passait. Il m’a assuré que ce serait peut être mieux, j’ai fait « bon bah ok partons là-dessus, partons sur un responsable enfant. » J’ai donc rencontré un coach enfant, Aurélien Némorin qui en plus devait s’installer dans les Côtes d’Armor ou en Bretagne en tout cas. Et ça a été absolument génial parce qu’il m’a donné plein d’idées, on a vraiment parlé de comment travailler avec les enfants, de ce que ça induisait en matière de jeu, de pensée des personnages, de leur façon de parler même, de méthodologie de travail etc.. Un élément très concret, qui m'a vraiment fait du bien, c’est que je n’étais pas seulement auteur mais aussi réalisateur. Cela a vraiment facilité les choses au cours des discussions avec les sociétés de production. J’avais de la matière concrète à apporter et je n’étais pas juste un type qui planait en disant « voilà, je vais faire ce super film avec des enfants. »
Depuis la résidence, comment a évolué ton projet de court métrage Cache-cache ?
J’ai réécrit pas mal, j’ai fait lire plusieurs versions à Fred, j’ai tenté un concours qui s’appelle le Label Scénario de la Maison du Film dans lequel j’ai été finaliste donc ça, j'en suis content. J’ai commencé à envoyer à des boîtes de production, j’ai eu plusieurs rendez-vous. Certaines n’ont pas répondu, ou n’étaient pas intéressées mais d'autres étaient intéressées - ce qui est plutôt agréable. (rires) Actuellement, je suis en phase de réécriture avec une boite de production, j’ai eu plusieurs rendez-vous. C’est plutôt en bonne voie.
Qu’est-ce-que tu aimes dans ce format de court-métrage ?
J'aime l’idée qu’on puisse explorer des pistes narratives qui ne sont pas habituelles, différentes des formes dont on peut avoir d’habitude. Le long métrage, l’air de rien, a des trucs très codifiés, là où le court permet plus de liberté du fait de son économie plutôt réduite qui offre la richesse de pouvoir inventer plein de choses. J’aime aussi ce genre de narration ; devant un court, tu ne sais jamais ce que tu vas voir et plus ça te surprend, meilleur c'est ! Et surtout sur le fait que tu peux te permettre des choses que tu n’oserais pas dans un long ; pour moi le court métrage, c’est aussi une expérimentation, une sorte de labo. C’est un moment où tu testes des choses, des formes de jeu et après tu vois si ça fonctionne. Et quand j’en visionne ce que j’aime c’est de voir des auteurs et des comédiens émergents et même de nouvelles façons de filmer etc.
As-tu un conseil aux jeunes auteurs qui voudraient se lancer dans l’écriture ?
Il ne faut pas craindre de se lancer, d'y aller, de se donner à fond. C’est une phase normale de rater, de se sentir impuissant ou d’avoir l’impression qu'on ne va pas y arriver. Mais il ne faut rien lâcher et ne pas se remettre continuellement en question. Pour moi, c’est ça l’écriture. C’est Nathalie Sarraute qui disait « écrire c’est réécrire » et c’est vraiment un truc qui me parle. Il ne faut pas avoir peur de soi et ne pas avoir peur d’y aller franchement !
Le mot de la fin ?
(rires) Trégor, vive le Trégor ! (rires) Merci à Fred, bravo à lui parce qu’il m’a vraiment aidé, je trouve qu’ il a une force de ouf, il a vraiment ramené tout ça à la barre, bravo et merci beaucoup à lui.
Une interview réalisée par Manon Hénaff.
© Trégor Cinéma juin 2022