Le tutorat avec Trégor Cinéma.
Nous avons interviewé Antoine Stehlé qui a été accompagné par Trégor Cinéma pendant une année (décembre 2022 - décembre 2023) dans le cadre d'un tutorat.
Au cours de notre entretien, il a partagé son parcours et ce qu'il a retiré de son expérience.
Merci à Antoine pour cette interview, réalisée en juin 2024.
Temps d'écoute : 22 minutes.
Sommaire de l'audio :
-Le parcours (de 0' à 4'36)
-Le tutorat avec Trégor Cinéma (de 4'37 à 10'46)
-L'écriture du projet de court-métrage Neige d'été, objet du tutorat (de 10'47 à 15'46)
-Quelques conseils à celles et ceux qui souhaitent écrire un court-métrage (de 15'47 à 20'43)
Transcription partielle :
Le tutorat avec Trégor Cinéma
"Sur le tutorat on a fait cinq matinées complètes, quatre en présentiel et une en visio. On a fait deux séances sur les fondamentaux, pour décortiquer les enjeux du scénario ; suite à ces deux séances j’avais deux semaines pour ré-écrire en partant des éléments qui constituent les bases du projet, donc des réflexions sur les personnages, sur les enjeux, sur le sujet, etc. Ré-écrire un synopsis court, puis un synopsis un peu plus long, puis un séquencier court et un séquencier long, un traitement et enfin le scénario. Après j’ai eu deux nouvelles séances rapprochées, qui m’ont permis de travailler en direct mes propositions avec l’intervenant, de les étoffer et de voir les enjeux, les points forts et les faiblesses. Suite à ça j’ai fait une version v2 du scénario sur laquelle on a échangé lors du rendez-vous à distance.
C’est ce scénario que j’ai présenté à la Bourse première œuvre (CICLIC), que j’ai obtenue. L’accompagnement de Trégor Cinéma a vraiment été décisif pour obtenir cette bourse (qui n’existe plus).
J’ai beaucoup apprécié de faire un travail, non pas uniquement d’ajustements dans le scénario, mais vraiment de repartir à la racine, à la page blanche et reconstruire le scénario en accéléré. Cela va beaucoup plus vite quand on a déjà écrit, qu’on connaît l’univers et qu’on a développé le projet pendant longtemps, donc c’était tout-à-fait réaliste mais c’est assez sportif comme fonctionnement et finalement j’ai beaucoup apprécié. Ce qui était très positif, c’est que même si c’était intensif et rapide, le fait d’avoir des séances en présentiel avec un intervenant concentré sur le projet et qui prépare les séances d’une fois sur l’autre cela permettait d’être très concentré et très efficace. Quand je proposais des choses pendant les séances, l’intervenant pouvait me dire si ça se rapprochait ou pas de ce que j’avais dit auparavant et des règles du jeu que je m’étais fixées sur le scénario.
Je n’ai jamais eu ce type d’accompagnement ailleurs, c’est un accompagnement que je trouve très précieux parce qu’on repart à la base et on reconstruit à partir de cette nouvelle base plus solide et plus conscientisée. Cela permet vraiment de faire le film qu’on a envie de faire, on construit sans sortir de la piste. A chaque fois que je proposais quelque chose, l’intervenant me demandait si cela correspondait à l’enjeu des personnages, au sujet, au thème du film. Sans ces séances je n’aurais jamais pu faire ce travail-là.
Ce que j’ai appris avec ce tutorat m’a permis d’aller plus loin dans le diagnostic de mon autre projet et [suite à une fiche de lecture sur cet autre projet] j’ai pu le ré-écrire en autonomie en utilisant la même méthodologie que celle utilisée pendant le tutorat.
J’ai gardé précieusement les outils pédagogiques et j’ai une méthode de travail qui me servira plus tard : notamment, ne pas se précipiter trop vite dans l’écriture d’un scénario mais avoir des documents intermédiaires très réfléchis et construits, au niveau des constituantes du projet, du synopsis et du séquencier. Ainsi quand un producteur, ou une commission d’aide, ou une chaîne télé, me font des retours sur le scénario, je peux les analyser à partir de mes documents préparatoires et non pas en faisant des corrections d’ajustement sur le scénario, ce qui était un peu ma faiblesse méthodologique auparavant."
Quelques conseils à celles et ceux qui souhaitent écrire un court-métrage
"Il faut suivre son instinct, ne jamais perdre la raison pour laquelle on s’est lancé sur le projet. C’est essentiel de rester sur ce qui nous anime quand on a envie d’écrire parce que l’écriture c’est souvent long, même en court-métrage, et on peut avoir tendance à se perdre, à vouloir soit rajouter des choses par envie, soit se sentir contraint de rajouter des choses pour que ça rentre dans une case - c’est-à-dire le désir de quelqu’un d’autre. Je pense qu’il faut rester fidèle à son propre désir. Après cette étape de développement, qui est vraiment le socle et qu’il ne faut jamais perdre de vue, même pendant le tournage et le montage, vient le travail technique d’écriture et là je recommande de se faire accompagner dans des dispositifs d’accompagnement et d’insertion, des résidences d’écriture, ou un tutorat avec Trégor Cinéma, que je recommande vivement. C’est un accompagnement que je n’ai trouvé nulle part ailleurs (pourtant j’ai fait plusieurs résidences), c’est à la fois personnalisé et technique, ce n’est pas sur des ajustements mais sur les fondements même de l’écriture.
Après, je dirais de ne pas se décourager et ne pas rester seul, faire relire à des gens autour de soi, des gens qui sont dans le secteur du cinéma et aussi des gens qui ne le sont pas, pour mêler les retours, les impressions. D’écouter les retours mais de ne pas tous les écouter parce que c’est important de rester fidèle à ce qu’on veut faire, le film qu’on a envie de faire, soi. C’est un dosage entre l’intuition d’un film qu’on imagine et qu’on rêve et en même temps la technicité de comment raconter une histoire pour qu’elle puisse être comprise et intéressante pour quelqu’un d’autre. C’est ça l’équilibre. On ne peut pas faire un beau film avec seulement une intuition forte et une envie, parce qu’il n’y a pas suffisamment de possibilité de partage si on reste juste dans le ressenti. Et inversement on ne peut pas non plus faire un beau film si on n’est que dans la technicité scénaristique mais en oubliant pourquoi on fait ce film. Je pense que c’est important de combiner les deux besoins.
Ne pas être seul, s’entourer, rencontrer des producteurs, parce que le but c’est aussi de se professionnaliser. On peut rencontrer des producteurs dans des dispositifs d’insertion mais aussi en allant dans des projections, des avant-premières, des festivals, en travaillant sur les films des autres, en rendant aussi des services, cela crée des liens d’entraide qui vont dans les deux sens. Ce sont des métiers où on est facilement isolé.
Un autre conseil c’est d’avoir plusieurs projets en même temps parce les rythmes d’écriture sont lents et ralentis du fait de l’attente d’une réponse d’une résidence ou d’un producteur, ou du retour de lecture d’une personne qui lit le projet. Le pire ce sont les commissions d’aide, où on peut attendre six mois avant d’avoir une réponse et pendant ce temps le film ne peut pas se faire et ça ne sert à rien de ré-écrire pendant ce délai d’attente car on ne sait pas s’il faut ré-écrire ou pas. Donc c’est essentiel d’avoir au moins deux ou trois projets en parallèle, pour ne pas être tout le temps en attente des autres et pouvoir avancer sur un projet pendant qu’on attend des retours sur un autre. Cela permet de gagner en autonomie et d’avancer sur différents fronts car malheureusement parfois les projets mettent du temps à se faire ou ne se font même pas du tout. Le fait d’en avoir lancé plusieurs en même temps permet d’avoir plus de chances qu’il y en ait au moins un qui se fasse !"
Le mot de la fin
"Ne pas hésiter à demander une fiche de lecture à Trégor Cinéma, ou une fiche accompagnée d’un échange en visio. Si on en a les moyens, ne pas hésiter à faire un tutorat, j’en suis personnellement totalement ravi : au début c’était un investissement parce que je l’ai fait en fonds propres, sans bourse d’écriture pour le faire, mais je ne le regrette vraiment pas, cela m’a permis de débloquer le projet, que le projet se fasse (il a commencé à être financé). Grâce à cette expérience je me professionnalise : on peut aussi le voir comme une formation pour le long terme, un peu comme une école.
Avoir plusieurs projets en même temps.
Ne pas rester isolé, être dans l’échange et la recherche d’informations diverses et variées autour de soi.
Ne jamais perdre l’envie initiale tout en cherchant toujours à s’améliorer en technique d’écriture."